De la force, de la douceur, de l’amour…

Il y a quelques temps, Corentine du blog Un fil à la page m’a proposée l’envoi de son tout premier roman : L’arrondi silencieux. Résumé lu, je n’ai pu qu’accepter cette proposition qui me promettait un voyage à travers la maternité et les liens familiaux…

Même si au tout début, l’écriture m’a un peu déstabilisée (puisqu’on entre d’emblée au cœur d’une scène d’infanticide…), tout ça s’est vite expliqué et remédié par la suite !

 

Résumé :

Deux sœurs et un frère, de pères différents, se retrouvent autour de leur mère décédée, Edith. Ils n’ont jamais rien construit de solide, se voyant rarement, se connaissant tout juste. À l’aube du nouveau millénaire Gabrielle, l’aînée, se découvre une grossesse surprise, Jérôme, quant à lui, s’enfonce dans la marginalité à Grenoble, au milieu de la drogue et de la peinture, Ophélie, la dernière, est aux prises avec un conjoint violent et tente de surnager dans ses études de médecine.

Gabrielle décide de retourner sur les traces d’Edith dans la campagne lyonnaise, auprès de Théodore, son dernier mari. Elle emporte avec elle une lettre reçue de l’infirmière l’ayant soignée et portant le prénom « Icare ». Qui est-il ? Est-il en vie ? Bien vite les théories s’accumulent, tandis qu’elle doit faire avec une grossesse non désirée.  

Partant d’un drame, acte terrible et insensé, L’arrondi silencieux raconte une fratrie éparse, les blessures de l’abandon, le tâtonnement des retrouvailles et les doutes de la maternité. 

 

Cette lecture, je l’ai vraiment aimée. J’y ai retrouvé de la force, de la douceur et de l’amour… un mélange, tout juste dosé, qui en fait un très beau voyage à travers la maternité, ses questionnements, et les liens familiaux voire amicaux qui peuvent en découler. 

Bien que différents (âges, situations et modes de vies), Gabrielle, Jeremy et Ophélie, piliers de l’intrigue et liés par le sang, sont unis par une même figure (Edith, leur mère), par leurs corps (en souffrance, chacun à sa façon) et par leur enfance (délestée d’une mère, telle qu’on l’attendrait). Ce qui rend ce livre d’autant plus intéressant puisqu’il nous donne à lire et à voir différents vécus de cette situation familiale quelque peu « hors-norme », de ce lien mère/enfant. 

Je me suis personnellement beaucoup attachée à Ophélie. Ce qu’elle vit est tout simplement insoutenable et insupportable, mais malgré cette fragilité apparente, elle est forte et pleine d’amour à donner ! Mon petit bémol serait la place accordée à Jérémy, non proportionnelle à celle de ses sœurs. Un choix qui s’explique, bien évidemment, et qui permet surtout d’intégrer une nouvelle figure féminine, très intéressante pour l’intrigue et ses thèmes…

En fait, cette lecture m’a agréablement surprise puisque je ne m’attendais pas du tout à être séduite et emportée de cette façon. Corentine Rebaudet est une jeune autrice  à suivre, ça c’est sûr ! 

 

Je vous laisse donc découvrir quelques infos supplémentaires sur mon ressenti de lecture, sur ce roman et, surtout, son autrice avec cette petite interview : 

  • Présente-toi en quelques phrases :

Je suis une jeune maman de 28 ans habitant en région lyonnaise. Passionnée par la littérature, je tiens un blog depuis 4 ans (unfilalapage.fr). Fut un temps je travaillais dans les RH, puis j’ai décidé de changer de métier et de devenir correctrice-relectrice auprès des particuliers. Ce qui fait que je passe mes journées la tête dans des histoires, à lire, corriger ou écrire. Je m’occupe « aussi » de ma fille de 2 ans et demi qui, pour mon plus grand plaisir, adore les livres !

  • Comment es-tu arrivée à l’écriture ?

Je ne fais pas partie de ces auteurs qui affirment haut et fort «J’ai toujours écrit ». Car, avant d’écrire, je lis. Je pensais que l’écriture d’une fiction n’était pas pour moi, je ne m’en croyais pas capable, dénuée d’imagination et, surtout, le travail me paraissait colossal. Et puis, je trouvais mon bonheur dans les histoires que les autres avaient à me raconter. Néanmoins, j’ai toujours adoré manipuler les mots et écrire pour la beauté de la langue et sa technique. Je suis passée par une phase adolescente où je m’exerçais à la poésie (déprimante et sombre à souhait), rien de bien sérieux mais j’éprouvais alors un plaisir que je retrouve bien des années plus tard… Le désir de produire mon propre récit a commencé à faire son chemin grâce à mon blog qui m’a permis de suivre un rythme régulier d’écriture et de développer ma « plume ». Mon papa, lui, écrit depuis de longues
années, il m’a poussée un jour à me lancer ; ceci s’ajoutant à d’autres remarques entendues çà et là « Tu devrais écrire un livre tu sais. » Voilà, la machine était en marche ! Et je ne compte pas m’arrêter là 😉 !

  • Comment t’es venue l’idée de ce roman ?

Un thème me trottait dans la tête de manière obsessionnelle : l’infanticide (pas de surprise, le prologue l’évoque). Il fallait absolument que j’écrive dessus. En parallèle, je voulais aborder les liens fraternels. En imbriquant ces deux sujets, une histoire à doucement commencer à se tisser… puis mes personnages sont apparus, un peu comme par magie. Ils étaient là sous mes yeux, si évidents.

  • Le thème central de ton roman est la maternité, pourquoi ce choix ? Un thème qui permet d’en aborder d’autres : le corps, les blessures (physiques et morales), l’expression de soi, la liberté, l’espoir… Mais aussi des questions très actuelles comme la violence conjugale, la vie en tant qu’artiste, les choix professionnels… Était-ce le but ? Partir de ce sujet « commun » pour en construire un éventail de thématique, de sujets, voire même une peinture de la société ?

La maternité est un thème qui me travaille depuis très longtemps. Ma maman était femme au foyer, j’ai passé énormément de temps avec elle et, étant la seule fille et la dernière, j’ai eu le privilège de discuter à loisir avec elle de sujets touchant à la femme et à la maternité. La graine était plantée si je puis dire. Puis, par la suite, j’ai été fascinée par les dénis de grossesse, la prématurité, l’avortement, la douleur de l’accouchement, les grossesses adolescentes et… les infanticides. Autour de ce thème vieux comme le monde en gravite une multitude. C’est le pivot de beaucoup d’histoires, je dirais même de toutes les histoires. Alors forcément, les notions de corps, d’acceptation, de transmission,
ressurgissent à un moment donné. Ceci dit, je n’avais pas pour but d’évoquer un si grand nombre de sujets, je suis d’ailleurs étonnée que tout ceci ressorte ^^ ! En créant plusieurs personnages aux modes de vie et âges différents, je propose des échantillons de la société d’aujourd’hui, sans doute.

  • Il me semble que, par ce thème qu’est la maternité, tu questionnes la définition même de la maternité (ce qui est « acceptable » ou non ; ce que veut dire « être mère » etc….) mais aussi celle de la famille (est-ce forcément lié au sang ? etc…), qu’en penses-tu ?

J’en reviens à mon obsession pour ce thème. Il y a autant de manières d’être mère que de mères. C’est cette singularité que je voulais interroger, en proposant une famille éclatée assez atypique. Je voulais aussi questionner le lien fraternel. Pour moi, cet amour est l’un des plus beaux et purs. Peut-on apprendre à aimer son frère/sa sœur sans avoir rien partagé avec lui/elle ? Cet attachement est-il naturel, évident ? J’ai essayé de proposer un tableau réaliste, qui correspond à l’image que je me fais de ce lien affectif, même quand il est maltraité.

  • Il y a trois personnages, trois enfants devenus adultes, mais la plus grande partie du roman se concentre principalement sur les deux femmes. Était-ce un choix que tu avais dès le départ ? 

Il est vrai que la place du seul homme de la fratrie (Jérôme) est particulière. Pour tout vous dire, je n’étais pas très à l’aise avec ce personnage, à mille lieues de mon univers, de ma personnalité, de mon quotidien. C’était un pari de le mettre en scène. J’ai rencontré beaucoup de difficultés à le dessiner, le rendre vivant. Je l’ai traité avec des pincettes, l’observant comme un sujet d’étude à décortiquer. Il m’intriguait, me fascinait, m’impressionnait. C’est finalement un personnage que j’affectionne beaucoup, c’est celui qui souffre le plus aussi. Je ne voulais pas sombrer dans la caricature avec lui, je voulais le respecter. Naturellement, j’étais donc beaucoup plus à l’aise avec les deux sœurs. Et puis, je dois vous faire une confession, j’aurais adoré en avoir une (mais je suis venue
sur Terre après trois frères, zut !)

  • Quel est ton rapport à la lecture ?

Vital ? :p La lecture m’a accompagnée dans tous les moments importants de ma vie. Je pourrais la réécrire en citant les titres qui m’ont le plus marquée. Dès que j’ai appris à lire, j’ai lu. De nature timide et introvertie (surtout quand j’étais enfant), la lecture a été (et est toujours) une échappatoire à un monde dans lequel je ne trouvais pas toujours ma place. C’était mes moments à moi, de silence, de rêverie, de fuite aussi. Les livres me permettent de comprendre les autres, de me divertir, d’apprendre, de réfléchir… Ils me sont essentiels.

  • Ton plus gros coup de cœur littéraire ?

Il y a six ou sept ans, j’ai découvert Emile Zola avec Nana. Depuis, j’ai lu presque dans son intégralité les Rougon-Macquart. Cet écrivain m’a bouleversée. Je suis tombée sous le charme de ses personnages, de ses intrigues familiales, amoureuses, sociales, politiques, de sa grande lucidité et de son extrême bienveillance. Selon moi, cet homme est l’archétype de l’écrivain tel que je le conçois.

  • Le livre que tu aurais aimé écrire ?

Question difficile qui m’a demandé un long moment de réflexion. Je vais citer un livre que je n’aurais jamais pu écrire, mais d’un auteur dont j’aimerais avoir le talent. Il s’agit de Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo. Ce roman est long, dur, éprouvant, mais si fichtrement bien écrit qu’il est, pour moi, un ovni littéraire de notre époque. Sinon, un livre que j’aurais voulu, et peut-être (avec prétention) pu écrire est On ne voyait que le
bonheur de Grégoire Delacourt. C’est l’histoire pitoyable d’un père de famille qui perd pied et commet un acte insensé.

  • Ton meilleur endroit pour lire ? Pour écrire ?

Pour lire, le canapé est sans doute mon meilleur ami. Pour écrire, je n’ai besoin que d’une table et de mon ordinateur. Je peux prendre des notes à tout moment de la journée et sur n’importe quel support. Que je lise ou que j’écrive, il me faut par contre un silence de mort autour de moi. Je suis très facilement déconcentrée !

Merci beaucoup Camille pour cette sympathique interview à laquelle je me suis prêtée avec plaisir 🙂
Merci à tous ceux qui me liront !

 

Un grand merci à Corentine pour cette très belle lecture et ce magnifique échange ! N’hésitez-pas à aller sur son blog pour y découvrir le prologue de L’arrondi silencieux, publié aujourd’hui même (le 24 mai) aux éditions Balland

 

Bonne Lecture 🙂

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