Un père sans enfant est un livre à côté duquel je serais très certainement passée sans les conseils de Louise, éditrice chez Allary Editions, et je lui en suis vraiment reconnaissante pour cette découverte puisqu’il s’agit d’une petite « pépite », d’un livre qui nous surprend au-delà des apparences, par sa plume et son contenu, dès les premières pages !
Résumé :
Le père est un des plus grands cinéastes d’Hollywood.
Le fils est un jeune premier du cinéma nazi.
Le roman vrai de leur déchirure.
Le père est Douglas Sirk, metteur en scène de théâtre dans les années 20 et réalisateur apprécié de Goebbels dans les années 30. Marié à une juive, il doit fuir l’Allemagne pour les États-Unis où, grâce à ses mélodrames, il conquiert Hollywood.
L’enfant est Klaus Detlef Sierck, le fils que Douglas a eu avec sa première femme, une actrice ratée devenue une nazie fanatique.
Quand ils divorcent en 1928, elle lui interdit de voir son fils de quatre ans dont elle fera un enfant star du cinéma sous le
Troisième Reich.
Le père ne reverra jamais son fils, sauf à l’écran.
Au soir de sa vie, dans les années 80, Douglas Sirk s’entretient avec Denis Rossano, un jeune étudiant en cinéma. Le réalisateur fait revivre Berlin, la propagande, son second mariage, l’exil, les grands studios après guerre, mais ne dit rien ou presque sur Klaus. Toute la vie, toute l’oeuvre de cet homme furent pourtant la quête désespérée de son fils adoré.
Pour mettre des mots sur cette histoire que Douglas Sirk n’a jamais racontée, Denis Rossano mène l’enquête, jusqu’à découvrir ce que le cinéaste lui-même ignorait.
Un père sans enfant est un roman vrai, digne des plus grands mélodrames.
Que dire d’un roman aussi fort, aussi juste et sensible, d’un roman à la fois émouvant et éprouvant, dans lequel il est question d’amours, de passions, de liens et de pertes ?
Un père sans enfant intrigue par son titre, rend curieux par son résumé, emmène par sa lecture. Dès le début, on ressent quelque chose de personnel et d’humain, une sensation qui prédit la passion avec laquelle l’auteur va nous parler, écrire ; mais va également faire parler tous ces noms et en faire revivre d’autres. Parler puis écrire. Parler de ce grand cinéaste pour parler de soi.
L’auteur utilise des mots justes, non dénués de charme, et une certaine poésie qui fait que sa plume nous entraîne. On a envie d’en savoir plus et de ne pas lâcher ce livre, tant que les pages tourneront…
La beauté et la force du récit se trouve également dans l’alternance de la narration, tantôt au « il », tantôt au « je ». On se retrouve, alors, plongé.ée au beau milieu de cet univers, de cette époque. Une rencontre d’abord cinématographique qui devient objet de questionnements puis souvenir du réelle.
Et comment ne pas succomber à la relation qui se dévoile devant nous ? Denis et Detlef. Universitaire et artiste. Une relation au dessus de laquelle plane une ombre invisible et mystérieuse qui fait pourtant bien office de figure principale : Klaus.
M’adonner à ces conversations, c’est renouer avec un passé auquel je suis riveté. Et c’est me rapprocher de Klaus.
Klaus, mystérieux, sujet de on-dits et d’interrogations. Klaus, sujet de silence et de souffrance.
Klaus, c’est ce qui continuera de me briser jusqu’à mon dernier souffle. […] Klaus est l’enfant des souvenirs qui ne cesseront jamais de faire mal.
Mon pays est mon ennemi, se dit Detlef. Mon fils aussi ?
Un père sans enfant est à la croisé du roman et du documentaire, un documentaire romancé qui peut à la fois séduire les connaisseurs et les novices, comme moi, du cinéma (allemand).
Un livre d’une grande beauté, un « songe » (comme le dit Hilde dans le roman) dans lequel un premier passage m’a fait sourire puisqu’il dévoile en amont le projet d’écriture de l’auteur, son talent de conteur, et par la même occasion le plaisir que procure cette lecture. Dans celui-ci, Hilde, épouse du cinéaste Douglas Sirk, dit à Denis Rossano : « Il m’a confié l’autre jour qu’il vous trouvait une âme d’écrivain. » ; ce qui m’a semblé tout à fait juste, outre le fait de l’existence de ce livre, puisque cela (le talent de Denis Rossano) se ressent à la lecture !